Le patriarcat et l'injonction à la maternité
- Branca_De_Neve
- 22 déc. 2019
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 janv. 2020
J'ai 23 ans, je suis en couple avec un cis mec, nous habitons d'ailleurs ensemble, nous travaillons tous les deux et nous, nous marions l'été prochain. Vous la voyez venir la question récurrente ?
Il faut dire qu'on rentre vraiment dans le moule;
Je ressemble physiquement à ce que le patriarcat attends de moi, de même que mon chéri.
J'aime me faire des traits d'eye-liner quand je suis fâchée ou encore pour mes soirées tragiques: Télénovelas, verre de vin, lingerie et beaucoup de larmes.
J'aime cacher du chocolat pour pâques, sauter dans les feuilles mortes et dans les flaques d'eau de pluie en automne, me déguiser en mére noel, mettre une table avec cinquante mille plats différents pour noel ( que j'aurais préparer toute la journée en écoutant Mariah Carrey).
J'aime parler de cul avec des amies autour d'un verre, comparer des sextoys différents sur internet puis dire que je ne m'y connais pas du tout.
J'aime acheter de la lingerie par ensembles, la porter, dire à mon chéri que je n'ai rien à me mettre quand je souhaite recevoir des cadeaux, boire du vin en lisant des livres, me mettre de la crème parfumée sur le corps, sentir mes ongles longs, toucher mes cheveux, mes seins, moi même…J'aime m'habiller comme Quinn Fabray dans la série Glee pour aller à la messe le dimanche matin, préparer des plats, des gâteaux, acheter bio, faire le ménage quand je suis stressée, planter des légumes, m'occuper du jardin, de mes animaux que je materne comme des enfants. J'aime peindre, me faire les ongles, puis les défaire, pleurer devant des films bref…
Je vis une vie qui ressemble en tout point à ce qu'on attends de moi, et mon copain aussi en ayant malgré lui, toujours une faim de loup, en ayant seulement deux ou trois jeans, quelques tshirts avec des blagues, deux ou trois polos, et une chemise qu'il remet à fréquence réguliére mais ne supporte pas de rentrer dans un magasin et change également de sujet quand je lui parle de shopping online. Il fait un métier physique, et moi je travaille avec des enfants.
Nous sommes tous les deux, deux clichés issus d'une société patriarcale.
A l'exception prés, que nous sommes tous les deux déconstruits du patriarcat, que nous avons conscience d'être des clichés patriarcaux, mais peu importe car on est heureu.se.x ainsi.
On a également conscience, que si on est comme sa c'est en parti à cause de l'éducation genré qu'on a reçu tous les deux. Et sa nous y reviendrons plus tard.
" Alors ? Les enfants c'est pour bientôt ? "
Mon utérus se retourne dans mon corps à chaque fois que j'entends ce genre de questions.
-On parle quand même d'un choix qui est fait entre deux personnes, qui n'est pas à prendre à la légère, qui n'engage qu'elleux et qui est intime.
-Cette question est un coup de couteau en plus pour les Femmes à qui ont pose cette question, elles ont déjà la pression de "l'horloge biologique" et des médecins à chaque consultation qu'elle ai un rapport ou non, avec une éventuelle grossesse.
- Je pourrais très bien être stérile, ou mon copain, qu'est ce que les autres peuvent bien en savoir ? Et si c'était le cas, vous vous rendez compte de la douleur de cette question ?
- Cette question renforce l'injonction à la maternité en la rendant banale, comme si c'était quelque chose qui devait FORCEMENT arriver.
Spoiler Alert: Tout le monde n'a pas envie d'avoir des enfants et tout le monde ne peut pas en avoir.
Personnellement, j'ai choisi le nom de mes enfants à l'âge de 12 ans. Je sais que je veux être mère depuis toute petite. Je savais aussi que je voulais me marier, et depuis rien à changer. Quand je vois des bébés je suis touchée au plus profond de mon être, réellement, je les trouve mignon.ne.s et je ressens une envie irrésistible de les prendre dans mes bras.
Comme mon enfance n'a pas été toute rose, je ressens aussi le besoin d'être mère pour pouvoir permettre à un être, sorti de mon corps, d'avoir une enfance magique, celle que j'ai toujours rêvée d'avoir. Là dessus, avec mon copain on se complète à merveille, il sais déjà tout sa et le respecte. Lui il a eu la chance d'avoir une enfance à cent pour cent heureuse, avec ses deux parents aimants, son frère et ses sœurs, et il sais déjà ce qu'il souhaite transmettre à ses enfants, alors que moi, je sais ce que je veux éviter à tout prix.
On réfléchit également à : Est ce qu'on va genrer nos enfants ou on les laisse trouver seul.e.s ? // Comment remplacer les fast food dans leurs vies ? ( Parce que leurs camarades vont forcément parler du cancer entre deux pains que leurs parents les ont emmenés manger…) et plein d'autres questions qui restent encore sans réponse.
En tout cas, avant de me poser ses questions là je m'en suis posée d'autres:
- Est-ce que j'ai réellement envie d'être mère ou est-ce le patriarcat qui m'a mit cette idée dans la tête ?
- Est-ce que je vais réussir à aimer quelqu'un qui sors littéralement de mon corps ?
- Est-ce que je vais réussir à avoir suffisament de patience et de temps à lui/leur accorder?
- Est-ce que c'est bien correct de faire un ou plusieurs enfants dans le monde actuel ? Avec la politique désastreuse, les fachos, les misos et j'en passe, et la planète qui va mal de façon générale?
- Et si je le regrette ? Si je me réveille un matin avec l'envie qu'iels disparaissent ?
Un des plus gros chocs de ma vie, à été d'apprendre que l'instinct maternel n'existait pas.
C'était une invention crée de toute piéce par… je vous laisse deviner… LE PATRIARCAT.
Je pourrais vivre moi, sans enfants, mais elleux sans moi sa risque d'être complexe.
Après viennent les questions sur mon copain:
-Est-ce que je suis sure à cent pour cent qu'on s'aimera toute notre vie ?
-Est-ce qu'il réalise ce que c'est un enfant ?
-Et si il regrette?
-Et si il pars quand je suis enceinte ?
-Et si il fait du mal à l'enfant ?
Mon côté survivante m'a déjà poussée à préparer un plan tout prêt pour si jamais un jour je doive fuir mon mec, même si je suis dépendante financièrement, même si il me menace, même si … j'ai des enfants avec lui.
Et tout sa, en le connaissant depuis quelques années maintenant, et surtout suffisamment pour savoir qu'il ne ferait pas de mal à une mouche. Alors on peut appeler sa un côté maternel quelque part: d'être déconstruite du patriarcat.
Mais tout sa, c'est moi.
J'ai aucune envie d'imposer une grossesse à mon mec, et qu'un jour il se réveille avec l'envie de les tuer car il ne les supportera plus.
J'ai aucune envie non plus, qu'il se réveille un jour, trop tard et sans enfants.
Et j'ai pas envie que sa m'arrive aussi.
Voilà tout ce qui peut se passer dans ma tête à chaque fois qu'on me pose cette question stupide alors que je suis dans un autre mood à cent lieux d'une grossesse.
Avoir un enfant, sa ce prépare, on ne demande pas et on impose pas ce genre de discutions aux personnes alors que vous n'aurez rien avoir en plus avec cet enfant, vous pourrez être son oncle, sa tante, son grand père ou tout ce que voulez, la grossesse ne regarde que le ou les parents. Si quelqu'un viens vers vous en vous annonçant sa grossesse: très bien! Félicitez le/la ! Là vous pouvez en parler. Idem pour le cas ou une personne vous montre une photo d'une écho, là aussi, aucun probléme.
Si la personne est en train de siroter un verre, en train de profiter de la vib's, ne venez pas lui poser cette question !!!!
J'ai également remarquer, que dans la situation d'un couple hétèrosexuel la famille pose souvent cette question, parce qu'on ne sais pas quoi demander d'autre.
Je vous liste alors, des questions/lancement de conversation safes:
- Tout va bien dans ta vie ?
- Il y a quelque chose sur lequel tu aimerais qu'on discute ?
- Il y a quelque chose sur lequel je pourrais t'aider ?
- Waw ! J'adore ta tenue/Make Up
- Comment vont les animaux ?
- C'est dingue ce temps
- C'est une belle journée car on est un jour de moins dans la présidence de Trump!
Utilisez ses phrases là, et ne dérangez plus jamais nos utérus, je vous en remercie.
Mais maintenant, imaginez : Vous êtes une femme, vous avez un utérus et un vagin, vous êtes fertile, vous avez encore l'âge, et tout le reste MAIS vous n'avez pas envie d'avoir des enfants…
Sachez premièrement, qu'au XVIIème siècle on vous aurait mise sur le bûcher.
Et aujourd'hui en 2019?
Et bien @lexpress a écrit un article en parlant de vous en écrivant que " vous refusez de rentrer dans le monde Adulte" si vous souhaitez vomir c'est par là: ICI
On vous infantilise en déclarant que vous êtes encore jeune, que vous allez changer d'avis, que c'est ridicule, que vous allez le regretter, et que vous n'êtes pas normale.
Parce que oui, c'est bien connu: dans les sociétés patriarcales les femmes sont incapables de comprendre leurs désirs, ou leurs non désirs, et tout le monde sait mieux qu'elles, des choses à propos d'elles.
Si vous êtes une actrice connue, au pif, Sand Van Roy que vous accusez Luc Besson de viol, le psychiatre dira de vous que " Le sujet ne se vit pas comme future mère, ce qui révèle un état névrotique histrionique essentiellement tourné vers la réussite professionnelle ».
A voir: ICI
Mona Chollet parle de la question de la maternité dans son livre sur les sorcières (Que je vous invite à lire si la question de la maternité vous intéresse) Et du fait que dans nos sociétés actuelles l'image sacrificielle de la mère, et les tâches qui lui incombent rendent l'aventure douloureuse. On peut aimer ses enfants, mais pas l'expérience de la maternité
comme dans cet article de Rockie "J'aime ma fille, mais je regrette d'être mère"
"Beaucoup de parents parlent de leur bonheur de passer du temps avec leurs enfants, de les voir grandir, découvrir le monde… Je ne vais pas dire que c’est un spectacle désagréable, mais… je m’en serais passée sans peine en fait. Et je dis cela sans animosité aucune, mais simplement car ce que cela représente en termes de joie et de bonheur ne « contrebalance » absolument pas, pour moi, tout le bordel que ça représente à côté.
(…)
Quand on court ensemble main dans la main dans l’herbe en riant, oui je kiffe le moment aussi. Heureusement j’ai envie de dire. Quand elle vient me faire un bisou en me glissant « je t’aime » à l’oreille, c’est grisant. Mais vraiment, j’aurais tout aussi bien vécu sans. Mieux vécu, probablement. En tout cas c’est comme ça que je le ressens."
- à lire en entier ICI
Le problème, avec l'injonction à la maternité, c'est que l'image de la bonne mère est une construction sociale, tout comme le genre (Sujet de la semaine dernière à retrouver ICI )
et que les personnes non déconstruites du patriarcat pensent qu'un enfant est la suite logique d'une vie parfaitement remplie suivant les codes d'une société patriarcale et capitaliste. A savoir: Etudes - Travail - Mariage - Achat d'une maison - Enfants - Tombe.
Ce schéma là peut totalement convenir, mais certainement pas à tout le monde.
Et là est tout le problème.
"L'image de la mère parfaite et épanouie, jonglant sans peine entre les devoirs et les activités extra-scolaires, ses deux séances de yoga par semaine et les félicitations de ses patrons pour son investissement dans son entreprise, n’est pas seulement fausse, elle est aussi dangereuse. Prétendre que la maternité est un long fleuve tranquille, qu’il est simple, avec de la bonne volonté, de mener sa vie professionnelle avec des enfants tout en gardant un équilibre physique, mental et affectif, tout ceci est un mensonge qui ne sert qu’à faire culpabiliser les femmes qui rencontrent des difficultés au jour et le jour. L’image qu’on leur renvoie leur dit qu’elles ont tort de craquer, qu’elles devraient pouvoir tout mener de front ; le jugement des autres peut être tout à la fois hâtif et injuste envers ces « mauvaises mères »."
- Actuel Moyen âge être une mauvaise mère, à lire en entier ICI
Le fait que les Femmes cis puissent avoir le pouvoir de donner la vie, effraye les Hommes cis qui vont alors traiter les Femmes comme des poules pondeuses.
"À Florence, à la fin du Moyen Âge, les femmes occupent une position dominée et peu enviable. Sans aucun droit politique, sans aucun pouvoir économique ou presque, elles ne sont là que pour être mariées, enfanter, faire perdurer un lignage. Quand les hommes rapportent les faits importants du lignage, tout au plus mentionnent-ils quelques mariages fastueux : les femmes sont absentes de ces récits de famille, essentiellement masculins. Elles procréent, sans bien souvent que leur nom vaille la peine d’être mentionné.
Elles sont d’abord des filles, puis des épouses et enfin des veuves. Celles-ci, dans l’Europe médiévale, sont souvent considérées comme plus libres de leurs actes, puisqu’elles ne sont techniquement plus sous l’autorité du père et que leur mari est mort. Leur dot doit pouvoir leur permettre de subvenir à leurs besoins. Cependant, la situation n’est pas aussi simple. Les veuves florentines, dès la mort de leur mari, doivent en effet faire face à deux injonctions contradictoires : la famille de leur époux, qui veut les faire rester pour conserver le bénéfice de leur dot, et leur famille d’origine qui veut continuer à tirer parti de leur fécondité tant qu’il en est encore temps, et les remarier pour tisser de nouvelles alliances familiales.
« Je ferai ce que mes parents décideront »
Quid des enfants ? En se remariant, la veuve est contrainte de les abandonner chez la famille de son premier mari, à laquelle ils appartiennent de plein droit. En 1395, Paolo Sassetti remarie sa nièce Isabetta, très peu de temps après la mort de son mari : « elle avait trois petits garçons en très bas âge, mais il fallait la remarier, donc elle n'a pas pu s'en occuper » écrit-il. Il fallait la remarier : la veuve n'a pas le choix. Elle est arrachée à son rôle de mère, pour redevenir une épouse.
Difficile de savoir exactement ce que pouvaient penser ces femmes et ces enfants au moment de la rupture. Que doivent-elles faire ? Être de bonnes mères pour leurs fils ou de bonnes filles pour leur père ? Les veuves ne peuvent pas être les deux à la fois. Ainsi, Madonna Simona, 34 ans en 1430, est sur le point de se remarier et donc d’abandonner les enfants de son premier lit. Son beau-fils la supplie de rester : « je vous supplie et nous recommande à vous, car vous connaissez notre situation, laissés sans père ni mère, si vous ne nous aidez pas, nous courrons à la ruine ». Le départ de la veuve entraînerait une crise économique pour la famille. Mais elle, de son côté, comme tant d’autres veuves à sa place, répond : « je ferai ce que mes parents décideront »."
- Actuel Moyen âge être une mauvaise mère, à lire en entier ICI
Aujourd'hui alors en Occident c'est la société qui nous demande de faire des enfants, jurant que c'est la meilleure chose qui puisse nous arriver. On se retrouve alors avec des femmes qui subissent de la charge mentale, des femmes fatiguées, dépressives, souhaitant vivre une autre vie. Elles ne peuvent pas quitter leurs enfants sans ce faire critiquer comme ICI
et se retrouvent alors prises au piège dans une vie qui n'était faite pour elles.
Les hommes, eux, sont libres de quitter le couple, les enfants, de divorcer et de ne pas demander la garde, de travailler nuit et jour, parfois même plusieurs semaines/mois, sans voir les enfants sans jamais être jugés. Et c'est une attitude totalement normale car on vis quand même dans une société patriarcale et donc: Les Hommes ramènent de l'argent pendant que les Femmes s'occupent de la maison et des enfants.
Même quand on leur donne ce que la société veut et qu'on va tomber enceintes on va quand même trouver le moyen de garder le contrôle sur nous et nos corps par les violences obstétricales, le point du mari, l'injonction à l'allaitement (Mais surtout pas en public faut pas déconner) on nous jugera si on accouche avec la péridurale, on nous jugera si on est trop affectives, si on est trop autoritaires… La société ne veut pas lâcher nos utérus.
A tel point que le film Rosemary's baby de 1968, a eu énormément de critiques sur le fait que Rosemary boive un verre pour fêter sa grossesse (Alors qu'à l'époque on ne connaissait pas vraiment les risques de l'alcool sur la grossesse) mais rien sur le fait que Rosemary a subit un viol et tout le reste qui se passe durant le film…Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres et ce n'est qu'un film alors imaginez dans la vraie vie.
Aujourd'hui il est plus qu'important d'être déconstruit.e du patriarcat pour pouvoir vivre en paix. Réfléchissez à vos envies, sont-elles imposées ?
Sortez des rangs et faites ce dont vous avez envie.
Et lâchez nous la chatte.
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